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Présentation de l'affiche polonaise,
et de la Pologne dans les années 80

Photo Wikicommons - Roman NaumovVarsovie

Varsovie
Édifié entre 1952 et 1955, le palais de la culture et des sciences fût offert par la Russie à la Pologne en gage d’amitié entre les deux peuples, selon le discours officiel de l’époque.
Affiche de Waldemar Swierzy
réalisée à l’occasion de l’inauguration du palais de la culture et des sciences le 22 juillet 1955.

Il y a plus de quarante ans, l’implosion du communisme en Europe de l’est a surpris tout le monde, l’homme de la rue comme les dirigeants politiques.

Si la manipulation de l’information dans les pays communistes était une règle sinon une habitude, nous étions de notre côté soumis à une information qui caricaturait les régimes inféodés à Moscou, "l’empire du mal" disait Reagan en son temps, les réduisant à une série de clichés, primaires et souvent inexacts... ça n’a pas changé !

Bizarrement, après l’effacement du communisme, ces clichés ont la vie dure, et j’ai l’impression que l’Histoire bricole un peu la vérité. L’un de ces clichés voulait que l’art réponde à des directives édictées par le Parti, et doive suivre une ligne esthétique définie et contrôlée. La réalité pouvait être bien différente selon les pays.

En ce qui concerne la Pologne, il faut peut-être savoir que ce pays a été rayé de la carte pendant plus de 150 ans, dépecé par l’Allemagne et la Russie et ne subsistant qu’au travers de sa culture, de sa langue et de sa religion.

Photo : © Pascal PiskiewiczVarsovie

Varsovie
L’Église partout, dans une rue de Varsovie et au théâtre
Affiche de Franciszek Starowieyski
pour “rayonnement de la paternité” pièce de théâtre de Karol Wojtyla, plus connu sous le titre de Jean-Paul II.

La Pologne en tant que pays ne fut recréée qu’en 1918. Cela explique peut-être l’importance de la littérature et de la culture dans ce pays et de l’aura de ceux qui la font...

C’est dans ce contexte qu’il faut considérer "l’Affiche polonaise". Depuis le début du XXe siècle, "l’Affiche polonaise" a toujours existé, mais quand on en parle en tant que mouvement artistique on fait référence à la période 1955-1985. Elle fut alors l’un des moments forts de l’histoire du graphisme mondial, l’un des repères essentiels pour tous les jeunes graphistes de l’époque. Ce mouvement se développa avec une créativité, une fantaisie, une invention et donc avec une liberté inconnue ailleurs...

Parler de liberté de création dans un pays communiste de l’époque cadre mal avec l’idée manichéenne que l’on se faisait du communisme, mais les faits sont là, cette liberté de création existait en Pologne et nulle part ailleurs.

Tentant d’expliquer le phénomène, je disais alors que la censure économique était autrement plus contraignante que la censure politique. Car dans cette économie d’État, les codes de communication échappaient à la logique commerciale et il n’était qu’à comparer les affiches produites pour un même film à Varsovie et à l’Ouest, pour comprendre que les artistes respectifs n’avaient pas les mêmes contraintes.

On aurait pu supposer que des mouvements semblables puissent se développer dans d’autres pays communistes. Il n’en fut rien, la Pologne fut une exception. Comme toujours ce mouvement naquit de la rencontre de jeunes artistes désireux d’imposer leurs conceptions de l’image en s’adaptant aux particularités du lieu et de l’époque.

Photo : © Pascal PiskiewiczCircus

Circus
De nos jours, les affiches polonaises sont collectionnées par les musées, fondations, collections publiques ou privées du monde entier, mais à l’époque, elles étaient dans la rue !
Dans une rue de Cracovie cette affiche de Rafal Olbinski
annonce la venue d’un cirque.

"L’Affiche polonaise", c’est donc l’histoire de la “prise de pouvoir” de ce groupe d’artistes au sein des commissions et des structures existantes et de leurs succès à imposer et développer leurs communications originales, en dehors des conventions respectées à l’Ouest et de l’esthétique communiste définie à Moscou...

On parle à tort d’un style de "l’Affiche polonaise", le seul point commun des artistes de ce mouvement était leur liberté de création, leur facilité à s’affranchir des codes, typographiques ou graphiques. Cette liberté fait que quarante ans après, les affiches de Tomaszewski restent étonnamment contemporaines. Chacun développait son langage particulier. Le style de Jan Lenica ne pouvait se confondre avec celui de Swierzy, celui de Starowieyski avec celui de Cieslewicz… pour ne citer que ceux-là.

Autre particularité, "l’Affiche polonaise" était avant tout un phénomène de rue, car si l’histoire ne retiendra qu’une dizaine de noms, peut-être moins, il faut savoir que toutes les affiches, les bonnes comme les moins bonnes, reflétaient cette différence, cette liberté, cette créativité. Ce qui frappait l’étranger débarquant a Varsovie c’était cette luxuriance colorée des affiches, contrastant avec la grisaille de l’architecture...

Photo : © Pascal PiskiewiczJamboree Jazz

Jamboree Jazz
Billy Harper au XXIIIe festival international "Jazz Jamboree" en 1980 dans le grand amphithéâtre du palais de la culture et des sciences de Varsovie.
Affiche de Rafal Olbinski pour le Jazz Jamboree festival 80 où se produisit Billy Harper, Sonny Rollins et de nombreux autres musiciens de jazz de l'ouest et de l'Est, comme on disait à l'époque.

Il fallait un certain temps pour dépasser cette impression d’ensemble et établir une hiérarchie des valeurs, le support devenu valorisant attirait les meilleurs créateurs, établissant une concurrence et une émulation. L’État polonais, conscient du succès de l’affiche polonaise dans le monde, a favorisé la naissance de la première biennale internationale de l’affiche, modèle de référence aux quelques quarante manifestations du même type existant à ce jour à travers le monde, ainsi que le Musée de Wilanów, premier musée au monde dédié à l’affiche contemporaine...

Comme tout mouvement artistique, celui de l’affiche polonaise, s’inscrit dans le temps et dans l’espace, avec sa période de développement, de plénitude et de lente dégénérescence, à l’image même du système politique dont l’absurdité annonçait la faillite prochaine.

Quand à l’implosion du communisme, les structures étatiques ont volé en éclats et en particulier celle de la production d’affiches, "l’Affiche polonaise" n’était déjà plus que l’ombre d’elle-même, non que les grands artistes devenus vieux ne produisaient pas des oeuvres de qualité mais le souffle, l’utopie avaient disparu, et l’affiche ne représentait plus rien pour les jeunes talents.... Presque tous les grands acteurs s’en sont allés discrètement… Zamecznik, Mlodozeniec, Lenica, Tomaszewski, Swierzy... ils appartiennent à l’Histoire

Photo : © Pascal PiskiewiczVarsovie

Varsovie
Le monde agricole, un autre monde.
Affiche très rare, 1955, de Jozef Mroszczak
Traduction : “Nous allons semer d’une manière exemplaire, ainsi nous donnerons plus de pain à la patrie”.

Aujourd’hui, "l’Affiche polonaise" et ses acteurs ne sont plus depuis longtemps des références pour les jeunes graphistes. L’Histoire fort injustement ne retiendra que quelques noms et quelques images, toujours les mêmes, "Moore" de Tomaszewski, "Wozzeck" de Lenica... occultant ainsi les autres qui faisaient la réalité et la force de ce mouvement à moins qu’à l’opposé, cette Histoire fasse apparaître que l’oeuvre de Tomaszewski échappe à l’Histoire du Graphisme pour rentrer dans celle de l’Art tout simplement, rejoignant en cela une autre figure emblématique de l’affiche, Henri de Toulouse Lautrec.

Alain Le Quernec

alainlequernec.fr

Pour en savoir plus sur l'histoire de l'affiche polonaise :

Katarzyna Matul

De la résistance à l'autonomie

L'affiche polonaise face au réalisme socialiste, 1944-1954

éditions Alphil-Presses - Presses universitaires suisse

ISBN 978-2-88930-480-6

 

 

Présentation du musée Wilanów de Varsovie,

le premier musée de l’affiche au monde, inauguré en juin 68